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Après avoir étudié des livres de littérature pour la jeunesse montrant l'homoparentalité comme un modèle familial non divergent, nous étudierons désormais les livres qui dénoncent l'homophobie.
Le terme homophobie apparu dans les années 1970, vient de « homo », -abréviation de homosexuels- et de « phobie » -du grec « Phobos »- qui signifie crainte. Il désigne les manifestations de mépris, de rejet, et de haine envers des personnes, des pratiques ou des représentations homosexuelles ou supposées l'être. Est ainsi homophobe, toute organisation ou individu ne reconnaissant pas les mêmes droits aux homosexuels qu’aux hétérosexuels. L'homophobie est donc le rejet de la différence, au même titre que la xénophobie, le racisme, le sexisme et les discriminations sociales liées aux croyances religieuses ou aux handicaps, etc.
Pour l’illustrer, nous nous reposerons sur trois ouvrages: J’ai deux papas qui s’aiment, de Morgane David publié aux éditions Hatier en 2007, Papa c'est quoi un homme haut sèkçuel ? écrit et illustré par Anna Boulanger paru aux éditions Zoom Éditions ainsi que Marius, de Latifa Alaoui et Stéphane Poulin publié en 2004 à L'Atelier du Poisson Soluble.
Premièrement, ces trois livres comportent de grandes similitudes sur le plan esthétique ou textuel . Force est de constater que les protagonistes de ces trois livres sont humains et non animaux. Cette fois, le but de ces livres est de marquer le lecteur en rendant plus réaliste l’homophobie par sa représentation humaine. C’est une manière de toucher la conscience du lecteur. En effet , en lisant J’ai deux papas qui s’aiment de Morgane David, l’enfant sera plus touché par la détresse du personnage de Titouan. En effet, Claude Allard, psychiatre, nous apprend dans L'Enfant au siècle des images: Étude psychanalytique et psychopathologique, publié aux éditions Albin Michel, que « L'enfant est capable de s'identifier aux personnages s'ils sont sympathiques, de les repousser s'ils lui font horreur ou même de devenir agressif à leur égard ». Comme nous pouvons le constater au début de l’album, les personnages qui insultent Titouan et ses parents lors de sa rentrée scolaire, nous apparaissent directement comme des êtres antipathiques. En effet, les humiliations à l’encontre des parents rencontrées dans le corpus de texte ne touchent pas seulement des adultes mais aussi les enfants qui les accompagnent. Ces remarques sont aussi présentes dans Marius, puni par sa maîtresse lorsqu'il évoque son modèle familial ( sa mère avec un homme, son père avec un homme) ou quand sa grand-mère lui dit que "deux hommes ensemble c'est pas bien ». Autre exemple: dans Papa, c'est quoi un homme haut sèkçuel ?, Tinig, le personnage principal, apprend les surnoms dont est affublé son père, homosexuel.
Ensuite, dans ces trois ouvrages, les illustrations sont beaucoup plus présentes que les textes. En effet, s’agissant de littérature pour la jeunesse, ce constat est logique.
Dans les albums J’ai deux papas qui s’aiment et Papa, c’est quoi un homme haut sèkçuel ?, les textes, brefs, sont intégrés à des doubles pages illustrées. Ils permettent une articulation entre le texte et l’image: l’un ne peut pas fonctionner sans l’autre. Dans ces deux livres, le thème de l’homophobie est central et oblige le lecteur à se confronter aux discriminations que le personnage principal subit et à comprendre les sentiments qu’il éprouve.
D’une toute autre manière, dans Marius, nous avons affaire à deux sortes de représentations. Les images encadrées figurent des scènes de vie conformistes: Un couple hétérosexuel, une photo d’un mariage hétérosexuel, une journée avec sa grand-mère, une salle de classe. Néanmoins, les illustrations à fond perdu représentent l’anticonformisme: la première est une chambre mal rangée, la seconde montre un homme qui demande la main d’un autre homme, enfin, la troisième dévoile son père en compagnie de son conjoint. Ces deux techniques de mise en page associées permettent de créer l’opposition et donc d’appuyer les remarques du texte. De ce fait, dans ces trois albums, tout ce qui n’est pas conforme aux moeurs de la société actuelle n’est pas encadré.
Enfin, les couleurs vives et les styles graphiques enfantins donnent certains repères au jeune lecteur qui n’est pas dépaysé et qui peut se concentrer sur le message premier du livre: la dénonciation de l’homophobie.
Étudions à présent le cas des autres livres de littérature de jeunesse montrant l'homoparentalité comme un modèle familial non divergent. Notre corpus de texte sera donc composé de Jean a deux mamans, écrit par Ophélie Texier, publié en 2004 à l'école des loisirs, de Tango a deux papas, et pourquoi pas ? de Béatrice Boutignon, publié en 2004 aux éditions Le Baron Perché, ainsi que Et avec Tango nous voilà trois ! paru en 2013 aux éditions Rue Du Monde. Nous étudierons ces livres de la même manière que ceux montrant l'homophobie, c'est à dire en étudiant les personnages, puis le texte et les images.
Les personnages représentés dans ces livres sont tous des animaux, des loups pour Jean a deux mamans, des manchots pour Et avec Tango nous voilà trois, ainsi que pour Tango à deux papas, et pourquoi pas ?.
D'un côté, Jean a deux mamans nous montre une animalisation d'un modèle familial homoparental où un enfant vit avec ses deux mamans (port d'habits, position debout, moeurs humaines). De nouveau, la représentation de l’homme par des animaux adoucit le regard de l’enfant. De plus, l’anthropomorphisation des personnages permet à l’enfant de s’identifier à un cadre familial qui n’est pas standard. Cependant, le récit présente les deux mamans comme si l’une avait le rôle du père (« maman Marie faisait des travaux dans la maison ! », « m’a appris à pêcher ») et l’autre le rôle d’une mère au foyer (« C’est maman Jeanne qui m’a porté dans son ventre. », « Chaque fois que j’ai du chagrin, maman Jeanne me prend dans ses bras. »). Cette représentation du couple homoparental est finalement l’imitation d’un couple hétérosexuel tel qu’on peut le trouver dans des albums pour la jeunesse aux traits conservateurs.
D’un autre côté, dans Tango a deux papas et pourquoi pas ? et Et avec Tango nous voilà trois, nous avons le récit d'une véritable histoire : « En 1998, Roy et Silo - deux mâles manchots à jugulaire - sont accueillis par le zoo de Central Park, à New York. Les gardiens et les soigneurs remarquent vite qu'ils passent tout leur temps ensemble. Lorsque la période des amours arrive, ils ne quittent pas d'avantage... Un oeuf laissé à l'abandon par un couple va être l'occasion pour Roy et Silo de le couver. Tango va naître, entourée de ses deux papas. » (cf 4ème de couverture de Tango a deux papas et pourquoi pas ?). Béatrice Boutignon et Justin Richardson ont choisi de représenter des personnages authentiques: en effet le style est réaliste et l’histoire n’est que très peu romancée. Dans cet album, le couple de manchots n’est pas jugé par les autres. Le texte, très présents, nous amène surtout à réfléchir à la manière de devenir parents lorsqu’on est homosexuel et donc à l’adoption pour les couples homosexuels. Tango a deux papas et pourquoi pas ? amène aussi à réfléchir sur la tolérance. En effet, dès le titre, on se pose la question: pourrions nous accueillir ce couple envie…
Si des livres comme Jean a deux mamans, reproduisent les stéréotypes des albums conservateurs, certains comme Tango a deux papas et pourquoi pas ? ou bien Ulysse et Alice de Ariane Bertouille et bien d’autres, sont des plaidoyer pour la tolérance.
Finalement, que l’homoparentalité soit le sujet central de ces livres ou qu’elle soit évoquée au cours d’un débat sur la pluralité des familles, le sujet est toujours aborder avec légèreté et habilité de sorte de ne jamais heurter la sensibilité des enfants mais de sorte également qu’ils comprennent ce phénomène de société et l’intègrent.